L’intériorité comme vie sonore, avec Michel Henry, Toulouse, Septembre 2012 (Université de Toulouse Le Mirail)

Université toulouse le Mirail ; annee academique 2012-2013

L’intériorité comme vie sonore

Avec Michel Henry

Ellen Moysan

Workshop Phénoménologie

Au fur et à mesure de notre travail sur la pratique instrumentale en musique, et plus particulièrement sur la notion de « chant intérieur »* qui en est le cœur, nous sommes parvenus à l’Idée d’Intériorité. Elle se dessine en effet en creux derrière le phénomène qui nous intéresse et il est donc tout à fait possible de renouveler la compréhension de cette Idée par l’exploration de ce phénomène si particulier.

De quoi s’agit-il ? Afin de donner lieu à une recherche pertinente qui soit au plus près de la chose même nous avons entrepris une série d’entretiens avec les praticiens qui en font l’expérience à la première personne1 : violoncellistes, violonistes, flûtiste etc., puis nous avons ajouté à cela les propos d’autres musiciens tels que Pablo Casals, ou bien Dominique Hoppenot qui ont laissé leurs témoignages dans des œuvres publiées. Nous sommes ainsi arrivés à des définitions très variées du phénomène. Pour les uns il s’agit d’une « pensée sonore »2, pour d’autres d’une « capacité auditive »3, du « corps »4 lui-même, de quelque chose « d’affectif »5, pour d’autres encore d’une « résonnance»6, d’une « onde allant de l’intérieur à l’extérieur»7, ou alors encore d’une « nécessité » impérieuse8.

Arrêtons-nous donc un instant sur ces différentes acceptions afin d’en dégager des voies de réflexion pour notre présent travail. Tout d’abord, dans la mesure où notre recherche se situe dans le cadre de l’interprétation d’un morceau classique écrit sur une partition*9, la « pensée sonore » sous-entend l’idée d’une conception intellectuelle à partir d’un texte. Cette idée vient être confirmée par l’entretien avec Marguerite France lorsqu’elle dit ceci : « il est nécessaire d’avoir un bon bagage solfégique car c’est ce dernier qui permet d’entendre avec les yeux. D’abord il faut comprendre ce qu’on lit, l’étudier à la table, et ensuite, et seulement dans un deuxième temps, on peut sortir son instrument et commencer à jouer. »10. La pratique musicale interprétative ne consiste donc pas seulement à associer un signe avec un son instrumental mais plus fondamentalement à concevoir quelque chose, à élaborer un discours, à donner sens à partir du moment où l’on a reçu la formation nécessaire pour le faire. L’instrumentiste se fait alors herméneute, interprétant un texte et cherchant à le comprendre afin de pouvoir ensuite l’expliquer au public à sa manière propre. C’est grâce à ce travail herméneutique que l’on peut entendre des interprétations/explications très différentes les unes des autres à propos d’un même texte11. Cela se fait par le biais d’une saisie conversionnelle* qui permet au musicien d’entendre quelque chose à partir d’une perception qui n’est pas sonore mais bien visuelle. Comme nous le constatons, cette citation porte en creux l’idée du chant intérieur comme « capacité auditive ». Nous nous éloignons alors de la question de l’intelligence du texte pour en arriver à celle de sa perception sonore grâce à un sens sans organe. Distinct du sens auditif externe puisqu’il s’agit ici d’entendre à partir d’un voir, on ne saurait pourtant l’en détacher complètement. Généralement, pour pouvoir entendre intérieurement quelque chose il faut avoir connu ce qu’est le son ; la perception auditive intérieure* qui demeure possible en cas de surdité sévère12 se fait tout de même la plupart du temps grâce à une perception extérieure. En ce sens les deux sens auditifs sont à la fois distincts et liés l’un à l’autre. Derrière cela émerge également l’idée d’unité des cinq sens. En effet, si l’on peut entendre grâce à ses sensations en étant sourd, ou bien entendre à partir d’un voir, c’est bien qu’il y a au moins une communication entre les sens, au moins une participation des cinq sens dans un rapport unifié au monde. On retrouve cette idée des sens dans la conception du chant intérieur comme quelque chose provenant du « corps lui-même », à laquelle s’ajoute l’idée d’ « affectivité » évoquée par l’expression suivante. Ces deux termes introduisent le champ conceptuel de la sensibilité affective, du ressenti qui vient s’ajouter au senti, ou bien en provient même. Enfin, les deux dernières expressions font référence au rapport du sujet au monde : la « résonnance » explique l’effet que produit le texte chez celui qui le lit, la conception d’une « onde allant de l’intérieur vers l’extérieur » démontre elle plutôt d’une émanation du chant intérieur par son expression instrumentale. Cette dernière se fait non pas de manière contingente mais bien plutôt nécessaire : le chant intérieur doit s’exprimer. Il demande à être exécuté.

Que pouvons-nous faire de ces différentes approches ? Faut-il donner plus de poids à certaines intuitions des musiciens qu’à d’autres ? Considérant qu’elles sont toutes une variabilité de perspectives complémentaires sur le même objet, nous choisissons de leur donner à chacune le même poids. Le chant intérieur est donc pour nous une structure intérieure complexe alliant un sens percevant sans organe et un donné perçu médiatisé par une voix. L’interprétation* est la manifestation de ce chant que le musicien a su dégager par une écoute attentive afin de l’exprimer par son instrument de la manière la plus adéquate possible. On voit alors se profiler derrière cette conception l’Idée d’une Intériorité comme vie sonore.

Comment peut-on arriver à la comprendre à travers la description du chant intérieur ?

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Si le chant intérieur est une structure de corrélation perceptive, et dans la mesure où toute perception est toujours perception de quelque chose, il faut commencer par introduire l’idée d’une sorte de toile de fond sonore qui constituerait l’Intériorité. De quelle nature est-elle ?

En s’arrêtant un instant sur ce qu’est le sens auditif on s’aperçoit qu’il se distingue par une sorte de disponibilité permanente : on ne peut pas choisir de fermer ses oreilles, elles sont toujours ouvertes, on entend toujours quelque chose. En ce sens, ce que l’on entend se déploie de manière ininterrompue : c’est un « bruit de fond ». De quoi s’agit-il ? Est-ce le fruit de la perception auditive externe, un bruit venant du monde ? Pour le savoir il est intéressant d’explorer le cas de la surdité. On se rend alors compte que contrairement à l’aveuglement total qui laisse le sujet dans la nuit, la surdité radicale qui laisserait le sujet dans le silence complet ne semble pas exister13. En effet, même lorsqu’elle est la plus importante, l’oreille continue de transmettre un certain type de sons : ceux situés au-dessous de 80 Hertz – l’audition normale transmettant toutes les fréquences, allant jusqu’à 20000 Hertz. Ainsi donc le silence en soi n’existe pas. On n’a toujours qu’une illusion de silence. On entend toujours quelque chose, même si cela peut être profondément diminué ou peu remarquable. De cette manière, puisque l’accès sonore au monde n’est jamais coupé complètement, on peut dire qu’il stabilise un rapport de continuité entre le sujet et son milieu. Par conséquent, contrairement à la vue qui pose devant, le son transmet de manière ininterrompue ce qui vient du monde. Ajoutons encore que dans la mesure où l’on ne choisit pas ce que l’on entend, on ne saurait avoir aucun pouvoir sur le sens auditif ; l’information sonore se reçoit dans une passivité radicale.

En raison de ce que nous venons de dire il y a dans la dimension sonore un échange constant entre l’Intériorité et l’Extériorité, rendu possible par l’oreille en tant qu’elle est barrière de contact. Parce qu’il transmet l’information par vibration et sans réelle coupure – il n’y a pas quelque chose comme la paupière pour l’œil par exemple, l’organe sensoriel est dans ce cas précis à la fois ce qui permet l’échange et ce qui distingue les deux parties en contact. L’Intériorité et l’Extériorité sonore sont donc à considérer comme les revers d’une même médaille traversée par un flux permanent. Si l’on se rapporte aux propos de Michel Henry lorsqu’il affirme : « mon corps se donne à moi de deux façons différentes, « intérieurement » en tant qu’il s’identifie à mon être le plus profond, « extérieurement » en tant qu’il se pro-pose aussi à moi à la manière d’un objet »14, force est de constater que pour ce qui est de l’audition, la donation extérieure vient coïncider avec la donation intérieure ; l’objet vient constituer pour partie mon être le plus profond. En d’autres termes on peut dire que le bruit de fond qui constitue mon être est en partie issu du monde ; l’Extériorité vient ici s’abîmer dans l’Intériorité et se confondre avec ce qui la constitue essentiellement.

Cela dit, cela ne signifie pas pour autant qu’elle en provienne totalement ; le bruit du monde seul ne suffit pas à remplir le silence de l’Intériorité. Certes elle peut être considérée comme l’Invisible, mais elle n’est pas pour autant l’insonore. Redisons-le encore, il n’y a jamais de silence total, de vide radical. Le silence est murmure, bruissement permanent et imperceptible de la vie dont on ne saurait dire la provenance, ni fixer une borne. C’est un bruit qui résonne du plus profond de l’être et se fait d’autant plus intense qu’il est au cœur de l’intimité du sujet. Il n’a de limites que celles que celui-ci lui pose lorsqu’il ne l’écoute plus et qu’il s’en éloigne, s’en détourne même parfois sans jamais y parvenir totalement. Ainsi définissons-nous la Vie comme quelque chose qui ne se donne pas à voir mais à entendre dans la passivité radicale propre à la dimension auditive. L’Intériorité se révèle par un bruissement, celui de la vie. Michel Henry nous en parle en ces termes : « La vie se sent et s’éprouve elle-même immédiatement en sorte qu’elle coïncide avec le soi en chaque point de son être et que, tout e entière immergée en soi et s’épuisant dans ce sentiment de soi, elle s’accomplit comme un pathos. La « façon » dont l’Intérieur se révèle à lui-même, dont la vie se vie elle-même, – avant tout regard et indépendamment de lui -, c’est l’Affectivité. »15. Le bruissement de la vie est donc affect, il s’éprouve, se ressent sans médiation. C’est une vibration sonore qui anime le sujet, le fait vivre au rythme du monde en même temps qu’à celui de son être le plus profond – en ce sens on imagine bien quel rôle donner au cœur comme organe qui ressent, vibre au rythme du monde. C’est cette vie dont nous parlons qui anime ensuite le chant intérieur dont Marguerite France parle en ces termes : « Il est uniquement affectif. C’est cela qu’il faut faire sortir […] cela vient du fond de la personne »16. Et nous prolongeons ses propos en disant que le chant intérieur est affectif, vient du fond de la personne parce qu’il coïncide avec la vie, se confond avec elle.

L’Intériorité est donc vie sonore, passivité radicale et toute entière affectivité, investie de l’Extériorité avec laquelle elle est dans une relation de continuité. Qu’est-ce donc alors que ce chant intérieur qui émerge du bruit de fond ?

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Comme nous l’avons dit plus haut, c’est une structure de perception qui inclue à la fois un sens percevant et un donné perçu médiatisé par une voix.

Arrêtons-nous d’abord sur le donné. Issu d’une perception visuelle, il se déploie dans la conscience de manière sonore. Son milieu est donc ce bruissement que nous avons évoqué ci-dessus. On comprend alors mieux les propos de la violoniste Claire Bernard lorsqu’elle affirme : « Le chant intérieur trouve sa source dans l’être intérieur auquel on a accès par l’écoute de soi-même et l’observation »17. Ses propos viennent recouper ceux de Michel Henry lorsqu’il parle de l’œuvre d’art en ces termes : « Son milieu ontologique, c’est la vie – la vie qui s’étreint elle-même toute entière sans jamais se séparer de soi sans se poser devant soi à la manière d’un objet. Nous disions, aucun objet ne conduit à la vie sinon la vie elle-même »18. Par conséquent on ne saurait séparer le chant intérieur de son milieu : là encore on constate qu’il est pleinement la vie en tant qu’il est comme elle, grâce à elle, Affectivité. C’est cet ancrage profond qui est ensuite la source de l’expression, qui rend possible une interprétation vivante. Par le travail de l’artiste qui est écoute de soi-même et observation (mais nous reviendrons sur cela plus tard), la vie se transmet, passe dans l’Extériorité, dans le morceau de musique. C’est cela, et simplement cela, qui permet de différencier radicalement une interprétation juste d’une interprétation « à côté », quel que soit le niveau de ce qui est joué. Elle est de part en part ressentie, vécue au sens fort du terme, cela se transmet au spectateur et créer ainsi un contact. Cette dimension fondamentale justifie alors les propos de Claire Bernard lorsqu’elle dit : « Le plus important est de s’orienter, de s’ancrer à l’intérieur. C’est la condition première pour exprimer ensuite quelque chose de consistant, mais aussi pour être conscient de ce qu’on joue. Plus on s’intériorise plus on est conscient de l’extérieur »19. La consistance de l’interprétation est donc la vie intérieure avec laquelle le chant coïncide. On rejoint alors de nouveau Michel Henry lorsqu’il dit : « lintérieur ne détermine pas seulement la forme, lélément extérieur, il définit le seul contenu de lœuvre et par conséquent le contenu de la forme elle-même »20. Mais pour nous cela n’est pas seulement valide pour l’œuvre d’art, l’expression musicale ; pour exprimer réellement quelque chose il faut que cela provienne des entrailles même du sujet, que cela ait pour fond l’Intériorité elle-même et n’ait plus qu’à émerger.

Mais revenons au chant intérieur. S’il se confond avec l’Intériorité, comment peut-il aussi s’en distinguer ? Il reste dans cette même continuité qui caractérise toute la dimension sonore tout en émergeant de deux façons : une intensification plus grande que le bruit de fond et l’attention qu’on lui prête ; c’est-à-dire par quelque chose d’essentiel et quelque chose de contingent. Tout d’abord il est plus fort que le bruit, le couvre, et en ce sens vient interpeller le sujet : il se manifeste par une voix propre qui lui procure une sonorité claire et unifiée permettant de l’isoler du bruit chaotique. Cette voix intérieure est différente de l’organe de la voix extérieure sans en être totalement indépendante21 – il nous semble en effet qu’un muet pourrait avoir une voix intérieure. Nous pencherions donc plutôt pour la conception selon laquelle elle se constitue par mimétisme avec l’instrument de musique lui-même dont elle finit par acquérir les différentes caractéristiques –la pâte sonore notamment22. Cependant on peut établir un parallèle, et plus que cela une liaison entre les deux. Elle est en effet un des moyens d’approche essentiel du chant intérieur dans la mesure où elle est corporelle, au plus proche de sa réalité intime. Marguerite France en parle en ces termes : « Elle est le premier instrument, le premier connecté avec le cœur, le corps lui-même »23, centrale donc. Ensuite, en plus de cette voix il y a un deuxième moyen : l’attention24 par laquelle le musicien se met dans une disponibilité vis-à-vis du chant intérieur. Comme nous l’a rappelé Natalie Depraz elle est à la fois corporelle (motrice et proprioceptive), sémantique (expressive), agissante (performative) et relationnelle (intersubjective et communicationnelle)25. C’est dans toutes ces variabilités qu’elle met en relief le chant intérieur et est donc nécessaire dans le travail de l’artiste car c’est elle qui permet l’exécution adéquate. Ainsi Anne-Marie Morin conseille : « Il faut équilibrer en permanence nos deux écoutes, la première projection venant de l’écoute intérieure suivie quasi simultanément par l’écoute extérieure qui nous permet d’aller au plus près de notre désir en adaptant la bonne énergie du geste »26. Ainsi le chant intérieur est-il mis en évidence par rapport au bruit de fond à la fois pour quelque chose qui lui est propre – la voix qui le médiatise, et par un acte de retournement du sujet sur sa vie intérieure – l’attention dans toutes ses variations.

Le chant intérieur est donc deux choses : ce qui habite l’Intériorité, un des moyens qu’emploie l’Intériorité pour se ramasser sur elle-même afin de s’exprimer dans l’Extériorité. Mais la question qui s’impose alors est la suivante : pourquoi l’Intériorité vient-elle s’extérioriser ?

***

Dans notre communication nous nous sommes concentrés sur les questions relatives à la constitution de l’Intériorité comme vie sonore et à l’émergence du chant intérieur sur cette toile de fond ; poser le problème de l’extériorisation serait donc sortir de ce cadre de réflexion pour ouvrir une nouvelle problématique qui explorerait non plus l’Idée d’Intériorité pour elle-même mais dans le rapport qu’elle a avec l’Extériorité lorsqu’elle y émerge. Malgré cela nous ne voulons pas faire l’impasse sur cette question que nous n’avons pourtant pas le temps de traiter, contentons-nous donc de lancer quelques pistes de réflexion. Rappelons-nous. Au tout début de notre exposé nous avons énuméré plusieurs définitions du chant intérieur parmi lesquelles il y avait l’expression « nécessité ». Elle peut être prise en plusieurs sens. Tout d’abord signifier que le chant intérieur s’impose dans l’Intériorité et ne se constitue pas de manière contingente. On retrouve ici les propos d’Anne-Marie Morin qui répond à la question : « Pensez-vous qu’il puisse ne pas y avoir de chant intérieur ? », « Je ne crois pas. Il n’y a que le désintérêt de l’enfant pour cette quête qui fait qu’on peut se dire parfois qu’il n’y a rien à en tirer »27. Ses propos rejoignent une hypothèse herméneutique que nous avions faite dans un autre travail28 à savoir : dès qu’il y a lecture par un musicien expert, le visuel a un corrélat sonore dans la conscience. Mais on peut donner une deuxième signification à l’expression : le chant intérieur chercher à se dire de manière nécessaire. On rejoint de nouveau les propos de la violoniste qui témoigne en ces termes : « j’avais des choses en moi et il était impossible de ne pas chercher à les exprimer »29.

Il s’agit là d’une nécessité essentielle au chant lui-même, profonde et impérieuse : le chant intérieur plongé dans la vie bruissante de l’Intériorité subit une poussée vers l’extériorité. Voici ce qu’en dit Michel Henry à la suite de Kandinsky : « La nécessité intérieure est en premier lieu celle de la forme en tant qu’elle est déterminée par la vie invisible par l’Intérieur – et par elle seule, en aucune façon par le monde. Ainsi l’élément extérieur, « matériel », trouve-t-il sa loi de construction dans une réalité purement spirituelle, sise dans l’intérieur de notre être, identique à lui, et qui agit comme le principe unique de la création esthétique. « Du spirituel dans l’art… ». Que cette détermination par l’Intérieur soit radicale, qu’elle s’accomplisse selon une nécessité absolue et que cette Nécessité Intérieure signifie pour la forme qui lui est soumise la liberté, qu’elle définisse la liberté dans l’art en général en tant qu’ « art pur », voilà qui nous explique au moins une chose : l’impression de nécessité précisément qui se dégage de toute œuvre authentique, la contingence au contraire, à la limite de la gratuité qui caractérise une peinture médiocre. […] La Nécessité Intérieure en tant qu’identique à la liberté de l’art fournit alors pour juger, les productions de ce dernier un critère aussi rigoureux qu’implacable »30.

Nous ne commenterons pas précisément cette longue citation mais nous relèverons les quatre grandes thèses qui s’y expriment afin d’en faire à la fois la conclusion de notre travail d’aujourd’hui et le programme du prochain. La première idée est que la Nécessité Intérieure est celle de la forme en tant qu’elle est déterminée par la vie. Si nous pouvons appeler « forme » la manière dont le musicien joue, sa pâte sonore, les inflexions qu’il donne à la mélodie, force est de constater que tout cela n’est pas une suite de choix arbitraires ou même réfléchis mais bien quelque chose qui s’impose par soi-même du plus profond de l’être, là où bruisse la vie. En ce sens c’est profondément personnel sans être pour autant issu du sujet en tant que tel ; il y a du particulier et de l’universel. Cela implique la deuxième idée : en étant principe de la forme, la vie intérieure devient également principe de création. On vient ici trancher le débat qui oppose la conception de l’interprétation comme redite et l’interprétation comme création en penchant pour la deuxième hypothèse puisque pour nous l’interprétation provient de la vie elle-même qui est de part en part création. Ensuite, troisième thèse avancée par Michel Henry, cette Nécessité est paradoxalement condition de possibilité de la liberté dans l’art. C’est donc en ne la laissant pas s’exprimer, lorsqu’il y a un écran entre le chant intérieur et sa réalisation que l’interprétation est non-libre31. Elle est enchaînée parce qu’elle ne laisse pas passer la liberté. Cette dernière conception implique alors la quatrième thèse : l’expression de cette Nécessité qui correspond à la liberté est le critère de jugement de la qualité de l’œuvre. Nul besoin de chercher un critère extérieur, la vie en impose un d’elle-même.

La tâche que nous nous donnons suite à ce travail sera donc de décrire cette émergence de l’Intériorité dans l’Extériorité.

Terminologieautoursdelanotiondechantintérieur:

Audition intérieure : c’est une possibilité ontologique immédiate, un sens sans organe. Par elle on entend de manière permanente une sorte de toile de fond sonore, mais lorsqu’il y a attention concentrée on dit plutôt qu’on écoute et dans ce cas on fait ressortir une mélodie particulière de ce bruit général.

Chant intérieur : structure de corrélation interne unissant un pôle percevant – l’audition intérieure*, et un pôle perçu – la mélodie intérieure*, médiatisé par la voix intérieure*. Le chant intérieur est issu de la structure de corrélation originelle unissant le sujet et objet dans la mesure où il prend sa source dans la saisie intentionnelle du contenu de la partition par le musicien. C’est donc une structure corrélationnelle seconde.

Déchiffrage : opération de conversion dans l’instant qui déploie trois dimensions : auditive – j’entends le son correspondant, théorique – je sais où se situe la note sur l’instrument, pratique – je joue cette note. Elle permet d’entendre l’esquisse de la mélodie intérieure*.

Exécution : réalisation du chant intérieur à l’instrument. Elle se présente sous trois formes : le déchiffrage*, la répétition*, l’exécution experte*.

Exécution experte : atteindre un haut niveau d’habileté par le déploiement simultané de toutes ces compétences en les soutenants et en les subordonnants à la structure d’ensemble de la composition musicale. Elle nécessite la connaissance des groupements ou des patterns à grande échelle au sein de la musique, qui contrôlent l’exécution. Ensuite le contrôle hiérarchique est entretenu par des procédures extrêmement flexibles pour résoudre les problèmes locaux. L’expert est celui qui a les moyens de contrôler adéquatement sa propre exécution et de prendre une initiative corrective avant qu’il ne dévie trop grossièrement du projet.

Instrument : outil protéiforme que l’interprète a appris à utiliser au cours de ses années d’étude, vers lequel est dirigée la partition et par lequel le signe devient son mondain.

Interprétation mécanique : exécution qui présente toutes les caractéristiques requises par la partition –rythme, tempo, hauteur de note, nuances… mais sans expressivité, sans exprimer la mélodie intérieure. Elle s’oppose à l’interprétation vivante que nous chercherons à définir au fur et à mesure de notre travail de recherche.

Interprète : « bilingue » puisqu’il parle aussi bien la langue du compositeur dont il sait lire la partition, que celle de l’auditeur à qui il s’adresse par l’instrument, il permet le lien entre les deux. C’est le nœud essentiel de la situation communicationnelle de l’interprétation musicale.

Mélodie intérieure : Ligne complexe qui se dessine progressivement au fur et à mesure du travail de l’instrumentiste. Elle se présente d’abord sous forme d’esquisse lors du déchiffrage*, à ce moment-là elle est marquée par une certaine spontanéité, contient un ordre, un caractère, les premières bases sans pour autant se déployer pleinement. Ensuite elle fait l’objet d’un travail attentif à la table* ou avec instrument qui vient en déployer un sens et l’incarner. Corrélat intentionnelle du contenu de la partition, elle lui est structurellement identique tout en donnant plus : ce qui était prescrit dans la partition est actualisé dans la mélodie intérieure.

Oreille absolue : c’est l’aptitude que possèdent certains musiciens à reconnaître et déterminer le nom d’une ou plusieurs notes successives ou simultanées sans référence préalable, associée à cette capacité de discrimination fine des fréquences .

Répétition : travail herméneutique de l’instrumentiste qui consiste à travailler la partie au regard de l’ensemble, le tout au regard de la partie en répétant les cellules jusqu’à leur exécution correcte et à l’instauration d’un habitus.

Saisie conversionelle : transformation du donné visuel de la partition en donné auditif lors du déchiffrage* grâce à la capacité de lecture du texte obtenue par l’apprentissage du solfège.

Travail à la table : méthode qui consiste à étudier une partition indépendamment de l’instrument en mettant en place le rythme, la hauteur de note, les nuances, les phrasés etc.

Voix intérieure : à comprendre parallèlement à la voix naturelle bien qu’elle en soit dépendante, elle serait probablement unique pour chaque individu, colorée de manière particulière selon ce qu’il est, l’instrument donc il joue etc. et monodique puisqu’elle rend probablement compte de la ligne mélodique principale, d’un fil rouge plutôt que d’une harmonie complexe.

Bibliographie :

  • CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

  • CASALS, Pablo, Ma vie racontée à Albert.E. Kahn, Paris, Stock, 1970.

  • CORREDOR, Juan-Maria, Conversations avec Pablo Casals, Paris, Albin Michel, 1955.

  • EHRENZWEIG, Anton, Lordre caché de lart, Essai sur la psychologie de limagination artistique, Trad. F. Lacoud-Labarthe et C. Nancy, préface de J-F. Lyotard, Paris, Gallimard, 1967, 1974, (Tell).

  • GAGNEPAIN, Xavier, Du musicien en général…au violoncelliste en particulier, Paris, Cité de la musique, 2003.

  • HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige).

  • HOPPENOT, Dominique, Le violon intérieur, Paris, Editions Van de Velde, 1981.

Entretiens avec les musiciens :

  • Entretien avec Frédéric Borsarello (violoncelliste) du 17 novembre 2011 à Paris.

  • Entretien avec Xavier Gagnepain (violoncelliste) du 4 décembre 2011 à Paris.

  • Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris.

  • Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris.

  • Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo.

  • Entretien avec Madoka Sato (flûtiste) le 08 juillet 2012 à Tokyo.

1 Les entretiens de X. Gagnepain (violoncelliste), F. Borsarello (violoncelliste), C. Bernard (violoniste), A.-M. Morin (violoniste), M. Sato (flûtiste japonaise), M. France (violonise, fondatrice de l’école de musique Franco-Japonaise de Tokyo) sont disponibles sur le site suivant : http://fenetrephenomenologique.e-monsite.com/

2 Cf GAGNEPAIN, Xavier, Du musicien en général…au violoncelliste en particulier, Paris, Cité de la musique, 2003, p.10.

3 HOPPENOT, Dominique, Le violon intérieur, Paris, Editions Van de Velde, 1981.

4 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris.

5 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo.

6 CORREDOR, Juan-Maria, Conversations avec Pablo Casals, Paris, Albin Michel, 1955.

7 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris

8 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

9 Comme nous ne sommes qu’au début de nos recherches et afin de rester au plus près du phénomène tel que nous en faisons l’expérience en tant que violoncelliste nous avons choisi de ne pas traiter le cas des autres instruments, ou bien des musiques free-jazz, minimalistes, bruitistes, spectrales etc. et de demeurer dans l’analyse du cas de l’interprétation d’une partition classique. Bien que nous n’en fassions pas mention ici spécifiquement, nous nous sommes arrêtés sur l’analyse de différentes interprétations et éditions des Suites pour violoncelle seul de Bach. L’analyse comparative commencée lors de notre premier master en 200-2010 est en cours mais nous ne l’utiliserons pas ici. .

10 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

11 L’étape explicative de l’herméneutique correspond pour nous à l’étape de l’exécution elle-même où l’on explique en redisant, on déploie en transmettant.

12 Dans son ouvrage, le thérapeute Alain Carré introduit la notion de « sensation sonore » in CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

13 Cf., CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

14 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p.15.

15 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p18.

16 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

17 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris

18 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p37

19 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris.

20 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p.45.

21 Le cas du chant pourrait être intéressant pour étudier cette question mais ce serait un autre travail.

22 Ne dit-on pas : « il chante comme son violoncelle », « lorsqu’il chante on dirait un saxophone » ?

23 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

24 Ce sujet que nous ne faisons qu’évoquer mériterait un développement plus long que nous ne ferons pas ici.

25 Intervention de la semaine dernière.

26 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

27 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

28 Cf article : Esquisse d’une définition du chant intérieur II

29 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

30 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p. 47-48.

31 On pourrait se pencher sur tous les cas de tensions physiques, de non-écoute etc. que racontent les professeurs avec qui nous avons eu les entretiens.

Université toulouse le Mirail ; annee academique 2012-2013

L’intériorité comme vie sonore

Avec Michel Henry

Ellen Moysan

Workshop Phénoménologie

Au fur et à mesure de notre travail sur la pratique instrumentale en musique, et plus particulièrement sur la notion de « chant intérieur »* qui en est le cœur, nous sommes parvenus à l’Idée d’Intériorité. Elle se dessine en effet en creux derrière le phénomène qui nous intéresse et il est donc tout à fait possible de renouveler la compréhension de cette Idée par l’exploration de ce phénomène si particulier.

De quoi s’agit-il ? Afin de donner lieu à une recherche pertinente qui soit au plus près de la chose même nous avons entrepris une série d’entretiens avec les praticiens qui en font l’expérience à la première personne1 : violoncellistes, violonistes, flûtiste etc., puis nous avons ajouté à cela les propos d’autres musiciens tels que Pablo Casals, ou bien Dominique Hoppenot qui ont laissé leurs témoignages dans des œuvres publiées. Nous sommes ainsi arrivés à des définitions très variées du phénomène. Pour les uns il s’agit d’une « pensée sonore »2, pour d’autres d’une « capacité auditive »3, du « corps »4 lui-même, de quelque chose « d’affectif »5, pour d’autres encore d’une « résonnance»6, d’une « onde allant de l’intérieur à l’extérieur»7, ou alors encore d’une « nécessité » impérieuse8.

Arrêtons-nous donc un instant sur ces différentes acceptions afin d’en dégager des voies de réflexion pour notre présent travail. Tout d’abord, dans la mesure où notre recherche se situe dans le cadre de l’interprétation d’un morceau classique écrit sur une partition*9, la « pensée sonore » sous-entend l’idée d’une conception intellectuelle à partir d’un texte. Cette idée vient être confirmée par l’entretien avec Marguerite France lorsqu’elle dit ceci : « il est nécessaire d’avoir un bon bagage solfégique car c’est ce dernier qui permet d’entendre avec les yeux. D’abord il faut comprendre ce qu’on lit, l’étudier à la table, et ensuite, et seulement dans un deuxième temps, on peut sortir son instrument et commencer à jouer. »10. La pratique musicale interprétative ne consiste donc pas seulement à associer un signe avec un son instrumental mais plus fondamentalement à concevoir quelque chose, à élaborer un discours, à donner sens à partir du moment où l’on a reçu la formation nécessaire pour le faire. L’instrumentiste se fait alors herméneute, interprétant un texte et cherchant à le comprendre afin de pouvoir ensuite l’expliquer au public à sa manière propre. C’est grâce à ce travail herméneutique que l’on peut entendre des interprétations/explications très différentes les unes des autres à propos d’un même texte11. Cela se fait par le biais d’une saisie conversionnelle* qui permet au musicien d’entendre quelque chose à partir d’une perception qui n’est pas sonore mais bien visuelle. Comme nous le constatons, cette citation porte en creux l’idée du chant intérieur comme « capacité auditive ». Nous nous éloignons alors de la question de l’intelligence du texte pour en arriver à celle de sa perception sonore grâce à un sens sans organe. Distinct du sens auditif externe puisqu’il s’agit ici d’entendre à partir d’un voir, on ne saurait pourtant l’en détacher complètement. Généralement, pour pouvoir entendre intérieurement quelque chose il faut avoir connu ce qu’est le son ; la perception auditive intérieure* qui demeure possible en cas de surdité sévère12 se fait tout de même la plupart du temps grâce à une perception extérieure. En ce sens les deux sens auditifs sont à la fois distincts et liés l’un à l’autre. Derrière cela émerge également l’idée d’unité des cinq sens. En effet, si l’on peut entendre grâce à ses sensations en étant sourd, ou bien entendre à partir d’un voir, c’est bien qu’il y a au moins une communication entre les sens, au moins une participation des cinq sens dans un rapport unifié au monde. On retrouve cette idée des sens dans la conception du chant intérieur comme quelque chose provenant du « corps lui-même », à laquelle s’ajoute l’idée d’ « affectivité » évoquée par l’expression suivante. Ces deux termes introduisent le champ conceptuel de la sensibilité affective, du ressenti qui vient s’ajouter au senti, ou bien en provient même. Enfin, les deux dernières expressions font référence au rapport du sujet au monde : la « résonnance » explique l’effet que produit le texte chez celui qui le lit, la conception d’une « onde allant de l’intérieur vers l’extérieur » démontre elle plutôt d’une émanation du chant intérieur par son expression instrumentale. Cette dernière se fait non pas de manière contingente mais bien plutôt nécessaire : le chant intérieur doit s’exprimer. Il demande à être exécuté.

Que pouvons-nous faire de ces différentes approches ? Faut-il donner plus de poids à certaines intuitions des musiciens qu’à d’autres ? Considérant qu’elles sont toutes une variabilité de perspectives complémentaires sur le même objet, nous choisissons de leur donner à chacune le même poids. Le chant intérieur est donc pour nous une structure intérieure complexe alliant un sens percevant sans organe et un donné perçu médiatisé par une voix. L’interprétation* est la manifestation de ce chant que le musicien a su dégager par une écoute attentive afin de l’exprimer par son instrument de la manière la plus adéquate possible. On voit alors se profiler derrière cette conception l’Idée d’une Intériorité comme vie sonore.

Comment peut-on arriver à la comprendre à travers la description du chant intérieur ?

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Si le chant intérieur est une structure de corrélation perceptive, et dans la mesure où toute perception est toujours perception de quelque chose, il faut commencer par introduire l’idée d’une sorte de toile de fond sonore qui constituerait l’Intériorité. De quelle nature est-elle ?

En s’arrêtant un instant sur ce qu’est le sens auditif on s’aperçoit qu’il se distingue par une sorte de disponibilité permanente : on ne peut pas choisir de fermer ses oreilles, elles sont toujours ouvertes, on entend toujours quelque chose. En ce sens, ce que l’on entend se déploie de manière ininterrompue : c’est un « bruit de fond ». De quoi s’agit-il ? Est-ce le fruit de la perception auditive externe, un bruit venant du monde ? Pour le savoir il est intéressant d’explorer le cas de la surdité. On se rend alors compte que contrairement à l’aveuglement total qui laisse le sujet dans la nuit, la surdité radicale qui laisserait le sujet dans le silence complet ne semble pas exister13. En effet, même lorsqu’elle est la plus importante, l’oreille continue de transmettre un certain type de sons : ceux situés au-dessous de 80 Hertz – l’audition normale transmettant toutes les fréquences, allant jusqu’à 20000 Hertz. Ainsi donc le silence en soi n’existe pas. On n’a toujours qu’une illusion de silence. On entend toujours quelque chose, même si cela peut être profondément diminué ou peu remarquable. De cette manière, puisque l’accès sonore au monde n’est jamais coupé complètement, on peut dire qu’il stabilise un rapport de continuité entre le sujet et son milieu. Par conséquent, contrairement à la vue qui pose devant, le son transmet de manière ininterrompue ce qui vient du monde. Ajoutons encore que dans la mesure où l’on ne choisit pas ce que l’on entend, on ne saurait avoir aucun pouvoir sur le sens auditif ; l’information sonore se reçoit dans une passivité radicale.

En raison de ce que nous venons de dire il y a dans la dimension sonore un échange constant entre l’Intériorité et l’Extériorité, rendu possible par l’oreille en tant qu’elle est barrière de contact. Parce qu’il transmet l’information par vibration et sans réelle coupure – il n’y a pas quelque chose comme la paupière pour l’œil par exemple, l’organe sensoriel est dans ce cas précis à la fois ce qui permet l’échange et ce qui distingue les deux parties en contact. L’Intériorité et l’Extériorité sonore sont donc à considérer comme les revers d’une même médaille traversée par un flux permanent. Si l’on se rapporte aux propos de Michel Henry lorsqu’il affirme : « mon corps se donne à moi de deux façons différentes, « intérieurement » en tant qu’il s’identifie à mon être le plus profond, « extérieurement » en tant qu’il se pro-pose aussi à moi à la manière d’un objet »14, force est de constater que pour ce qui est de l’audition, la donation extérieure vient coïncider avec la donation intérieure ; l’objet vient constituer pour partie mon être le plus profond. En d’autres termes on peut dire que le bruit de fond qui constitue mon être est en partie issu du monde ; l’Extériorité vient ici s’abîmer dans l’Intériorité et se confondre avec ce qui la constitue essentiellement.

Cela dit, cela ne signifie pas pour autant qu’elle en provienne totalement ; le bruit du monde seul ne suffit pas à remplir le silence de l’Intériorité. Certes elle peut être considérée comme l’Invisible, mais elle n’est pas pour autant l’insonore. Redisons-le encore, il n’y a jamais de silence total, de vide radical. Le silence est murmure, bruissement permanent et imperceptible de la vie dont on ne saurait dire la provenance, ni fixer une borne. C’est un bruit qui résonne du plus profond de l’être et se fait d’autant plus intense qu’il est au cœur de l’intimité du sujet. Il n’a de limites que celles que celui-ci lui pose lorsqu’il ne l’écoute plus et qu’il s’en éloigne, s’en détourne même parfois sans jamais y parvenir totalement. Ainsi définissons-nous la Vie comme quelque chose qui ne se donne pas à voir mais à entendre dans la passivité radicale propre à la dimension auditive. L’Intériorité se révèle par un bruissement, celui de la vie. Michel Henry nous en parle en ces termes : « La vie se sent et s’éprouve elle-même immédiatement en sorte qu’elle coïncide avec le soi en chaque point de son être et que, tout e entière immergée en soi et s’épuisant dans ce sentiment de soi, elle s’accomplit comme un pathos. La « façon » dont l’Intérieur se révèle à lui-même, dont la vie se vie elle-même, – avant tout regard et indépendamment de lui -, c’est l’Affectivité. »15. Le bruissement de la vie est donc affect, il s’éprouve, se ressent sans médiation. C’est une vibration sonore qui anime le sujet, le fait vivre au rythme du monde en même temps qu’à celui de son être le plus profond – en ce sens on imagine bien quel rôle donner au cœur comme organe qui ressent, vibre au rythme du monde. C’est cette vie dont nous parlons qui anime ensuite le chant intérieur dont Marguerite France parle en ces termes : « Il est uniquement affectif. C’est cela qu’il faut faire sortir […] cela vient du fond de la personne »16. Et nous prolongeons ses propos en disant que le chant intérieur est affectif, vient du fond de la personne parce qu’il coïncide avec la vie, se confond avec elle.

L’Intériorité est donc vie sonore, passivité radicale et toute entière affectivité, investie de l’Extériorité avec laquelle elle est dans une relation de continuité. Qu’est-ce donc alors que ce chant intérieur qui émerge du bruit de fond ?

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Comme nous l’avons dit plus haut, c’est une structure de perception qui inclue à la fois un sens percevant et un donné perçu médiatisé par une voix.

Arrêtons-nous d’abord sur le donné. Issu d’une perception visuelle, il se déploie dans la conscience de manière sonore. Son milieu est donc ce bruissement que nous avons évoqué ci-dessus. On comprend alors mieux les propos de la violoniste Claire Bernard lorsqu’elle affirme : « Le chant intérieur trouve sa source dans l’être intérieur auquel on a accès par l’écoute de soi-même et l’observation »17. Ses propos viennent recouper ceux de Michel Henry lorsqu’il parle de l’œuvre d’art en ces termes : « Son milieu ontologique, c’est la vie – la vie qui s’étreint elle-même toute entière sans jamais se séparer de soi sans se poser devant soi à la manière d’un objet. Nous disions, aucun objet ne conduit à la vie sinon la vie elle-même »18. Par conséquent on ne saurait séparer le chant intérieur de son milieu : là encore on constate qu’il est pleinement la vie en tant qu’il est comme elle, grâce à elle, Affectivité. C’est cet ancrage profond qui est ensuite la source de l’expression, qui rend possible une interprétation vivante. Par le travail de l’artiste qui est écoute de soi-même et observation (mais nous reviendrons sur cela plus tard), la vie se transmet, passe dans l’Extériorité, dans le morceau de musique. C’est cela, et simplement cela, qui permet de différencier radicalement une interprétation juste d’une interprétation « à côté », quel que soit le niveau de ce qui est joué. Elle est de part en part ressentie, vécue au sens fort du terme, cela se transmet au spectateur et créer ainsi un contact. Cette dimension fondamentale justifie alors les propos de Claire Bernard lorsqu’elle dit : « Le plus important est de s’orienter, de s’ancrer à l’intérieur. C’est la condition première pour exprimer ensuite quelque chose de consistant, mais aussi pour être conscient de ce qu’on joue. Plus on s’intériorise plus on est conscient de l’extérieur »19. La consistance de l’interprétation est donc la vie intérieure avec laquelle le chant coïncide. On rejoint alors de nouveau Michel Henry lorsqu’il dit : « lintérieur ne détermine pas seulement la forme, lélément extérieur, il définit le seul contenu de lœuvre et par conséquent le contenu de la forme elle-même »20. Mais pour nous cela n’est pas seulement valide pour l’œuvre d’art, l’expression musicale ; pour exprimer réellement quelque chose il faut que cela provienne des entrailles même du sujet, que cela ait pour fond l’Intériorité elle-même et n’ait plus qu’à émerger.

Mais revenons au chant intérieur. S’il se confond avec l’Intériorité, comment peut-il aussi s’en distinguer ? Il reste dans cette même continuité qui caractérise toute la dimension sonore tout en émergeant de deux façons : une intensification plus grande que le bruit de fond et l’attention qu’on lui prête ; c’est-à-dire par quelque chose d’essentiel et quelque chose de contingent. Tout d’abord il est plus fort que le bruit, le couvre, et en ce sens vient interpeller le sujet : il se manifeste par une voix propre qui lui procure une sonorité claire et unifiée permettant de l’isoler du bruit chaotique. Cette voix intérieure est différente de l’organe de la voix extérieure sans en être totalement indépendante21 – il nous semble en effet qu’un muet pourrait avoir une voix intérieure. Nous pencherions donc plutôt pour la conception selon laquelle elle se constitue par mimétisme avec l’instrument de musique lui-même dont elle finit par acquérir les différentes caractéristiques –la pâte sonore notamment22. Cependant on peut établir un parallèle, et plus que cela une liaison entre les deux. Elle est en effet un des moyens d’approche essentiel du chant intérieur dans la mesure où elle est corporelle, au plus proche de sa réalité intime. Marguerite France en parle en ces termes : « Elle est le premier instrument, le premier connecté avec le cœur, le corps lui-même »23, centrale donc. Ensuite, en plus de cette voix il y a un deuxième moyen : l’attention24 par laquelle le musicien se met dans une disponibilité vis-à-vis du chant intérieur. Comme nous l’a rappelé Natalie Depraz elle est à la fois corporelle (motrice et proprioceptive), sémantique (expressive), agissante (performative) et relationnelle (intersubjective et communicationnelle)25. C’est dans toutes ces variabilités qu’elle met en relief le chant intérieur et est donc nécessaire dans le travail de l’artiste car c’est elle qui permet l’exécution adéquate. Ainsi Anne-Marie Morin conseille : « Il faut équilibrer en permanence nos deux écoutes, la première projection venant de l’écoute intérieure suivie quasi simultanément par l’écoute extérieure qui nous permet d’aller au plus près de notre désir en adaptant la bonne énergie du geste »26. Ainsi le chant intérieur est-il mis en évidence par rapport au bruit de fond à la fois pour quelque chose qui lui est propre – la voix qui le médiatise, et par un acte de retournement du sujet sur sa vie intérieure – l’attention dans toutes ses variations.

Le chant intérieur est donc deux choses : ce qui habite l’Intériorité, un des moyens qu’emploie l’Intériorité pour se ramasser sur elle-même afin de s’exprimer dans l’Extériorité. Mais la question qui s’impose alors est la suivante : pourquoi l’Intériorité vient-elle s’extérioriser ?

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Dans notre communication nous nous sommes concentrés sur les questions relatives à la constitution de l’Intériorité comme vie sonore et à l’émergence du chant intérieur sur cette toile de fond ; poser le problème de l’extériorisation serait donc sortir de ce cadre de réflexion pour ouvrir une nouvelle problématique qui explorerait non plus l’Idée d’Intériorité pour elle-même mais dans le rapport qu’elle a avec l’Extériorité lorsqu’elle y émerge. Malgré cela nous ne voulons pas faire l’impasse sur cette question que nous n’avons pourtant pas le temps de traiter, contentons-nous donc de lancer quelques pistes de réflexion. Rappelons-nous. Au tout début de notre exposé nous avons énuméré plusieurs définitions du chant intérieur parmi lesquelles il y avait l’expression « nécessité ». Elle peut être prise en plusieurs sens. Tout d’abord signifier que le chant intérieur s’impose dans l’Intériorité et ne se constitue pas de manière contingente. On retrouve ici les propos d’Anne-Marie Morin qui répond à la question : « Pensez-vous qu’il puisse ne pas y avoir de chant intérieur ? », « Je ne crois pas. Il n’y a que le désintérêt de l’enfant pour cette quête qui fait qu’on peut se dire parfois qu’il n’y a rien à en tirer »27. Ses propos rejoignent une hypothèse herméneutique que nous avions faite dans un autre travail28 à savoir : dès qu’il y a lecture par un musicien expert, le visuel a un corrélat sonore dans la conscience. Mais on peut donner une deuxième signification à l’expression : le chant intérieur chercher à se dire de manière nécessaire. On rejoint de nouveau les propos de la violoniste qui témoigne en ces termes : « j’avais des choses en moi et il était impossible de ne pas chercher à les exprimer »29.

Il s’agit là d’une nécessité essentielle au chant lui-même, profonde et impérieuse : le chant intérieur plongé dans la vie bruissante de l’Intériorité subit une poussée vers l’extériorité. Voici ce qu’en dit Michel Henry à la suite de Kandinsky : « La nécessité intérieure est en premier lieu celle de la forme en tant qu’elle est déterminée par la vie invisible par l’Intérieur – et par elle seule, en aucune façon par le monde. Ainsi l’élément extérieur, « matériel », trouve-t-il sa loi de construction dans une réalité purement spirituelle, sise dans l’intérieur de notre être, identique à lui, et qui agit comme le principe unique de la création esthétique. « Du spirituel dans l’art… ». Que cette détermination par l’Intérieur soit radicale, qu’elle s’accomplisse selon une nécessité absolue et que cette Nécessité Intérieure signifie pour la forme qui lui est soumise la liberté, qu’elle définisse la liberté dans l’art en général en tant qu’ « art pur », voilà qui nous explique au moins une chose : l’impression de nécessité précisément qui se dégage de toute œuvre authentique, la contingence au contraire, à la limite de la gratuité qui caractérise une peinture médiocre. […] La Nécessité Intérieure en tant qu’identique à la liberté de l’art fournit alors pour juger, les productions de ce dernier un critère aussi rigoureux qu’implacable »30.

Nous ne commenterons pas précisément cette longue citation mais nous relèverons les quatre grandes thèses qui s’y expriment afin d’en faire à la fois la conclusion de notre travail d’aujourd’hui et le programme du prochain. La première idée est que la Nécessité Intérieure est celle de la forme en tant qu’elle est déterminée par la vie. Si nous pouvons appeler « forme » la manière dont le musicien joue, sa pâte sonore, les inflexions qu’il donne à la mélodie, force est de constater que tout cela n’est pas une suite de choix arbitraires ou même réfléchis mais bien quelque chose qui s’impose par soi-même du plus profond de l’être, là où bruisse la vie. En ce sens c’est profondément personnel sans être pour autant issu du sujet en tant que tel ; il y a du particulier et de l’universel. Cela implique la deuxième idée : en étant principe de la forme, la vie intérieure devient également principe de création. On vient ici trancher le débat qui oppose la conception de l’interprétation comme redite et l’interprétation comme création en penchant pour la deuxième hypothèse puisque pour nous l’interprétation provient de la vie elle-même qui est de part en part création. Ensuite, troisième thèse avancée par Michel Henry, cette Nécessité est paradoxalement condition de possibilité de la liberté dans l’art. C’est donc en ne la laissant pas s’exprimer, lorsqu’il y a un écran entre le chant intérieur et sa réalisation que l’interprétation est non-libre31. Elle est enchaînée parce qu’elle ne laisse pas passer la liberté. Cette dernière conception implique alors la quatrième thèse : l’expression de cette Nécessité qui correspond à la liberté est le critère de jugement de la qualité de l’œuvre. Nul besoin de chercher un critère extérieur, la vie en impose un d’elle-même.

La tâche que nous nous donnons suite à ce travail sera donc de décrire cette émergence de l’Intériorité dans l’Extériorité.

Terminologieautoursdelanotiondechantintérieur:

Audition intérieure : c’est une possibilité ontologique immédiate, un sens sans organe. Par elle on entend de manière permanente une sorte de toile de fond sonore, mais lorsqu’il y a attention concentrée on dit plutôt qu’on écoute et dans ce cas on fait ressortir une mélodie particulière de ce bruit général.

Chant intérieur : structure de corrélation interne unissant un pôle percevant – l’audition intérieure*, et un pôle perçu – la mélodie intérieure*, médiatisé par la voix intérieure*. Le chant intérieur est issu de la structure de corrélation originelle unissant le sujet et objet dans la mesure où il prend sa source dans la saisie intentionnelle du contenu de la partition par le musicien. C’est donc une structure corrélationnelle seconde.

Déchiffrage : opération de conversion dans l’instant qui déploie trois dimensions : auditive – j’entends le son correspondant, théorique – je sais où se situe la note sur l’instrument, pratique – je joue cette note. Elle permet d’entendre l’esquisse de la mélodie intérieure*.

Exécution : réalisation du chant intérieur à l’instrument. Elle se présente sous trois formes : le déchiffrage*, la répétition*, l’exécution experte*.

Exécution experte : atteindre un haut niveau d’habileté par le déploiement simultané de toutes ces compétences en les soutenants et en les subordonnants à la structure d’ensemble de la composition musicale. Elle nécessite la connaissance des groupements ou des patterns à grande échelle au sein de la musique, qui contrôlent l’exécution. Ensuite le contrôle hiérarchique est entretenu par des procédures extrêmement flexibles pour résoudre les problèmes locaux. L’expert est celui qui a les moyens de contrôler adéquatement sa propre exécution et de prendre une initiative corrective avant qu’il ne dévie trop grossièrement du projet.

Instrument : outil protéiforme que l’interprète a appris à utiliser au cours de ses années d’étude, vers lequel est dirigée la partition et par lequel le signe devient son mondain.

Interprétation mécanique : exécution qui présente toutes les caractéristiques requises par la partition –rythme, tempo, hauteur de note, nuances… mais sans expressivité, sans exprimer la mélodie intérieure. Elle s’oppose à l’interprétation vivante que nous chercherons à définir au fur et à mesure de notre travail de recherche.

Interprète : « bilingue » puisqu’il parle aussi bien la langue du compositeur dont il sait lire la partition, que celle de l’auditeur à qui il s’adresse par l’instrument, il permet le lien entre les deux. C’est le nœud essentiel de la situation communicationnelle de l’interprétation musicale.

Mélodie intérieure : Ligne complexe qui se dessine progressivement au fur et à mesure du travail de l’instrumentiste. Elle se présente d’abord sous forme d’esquisse lors du déchiffrage*, à ce moment-là elle est marquée par une certaine spontanéité, contient un ordre, un caractère, les premières bases sans pour autant se déployer pleinement. Ensuite elle fait l’objet d’un travail attentif à la table* ou avec instrument qui vient en déployer un sens et l’incarner. Corrélat intentionnelle du contenu de la partition, elle lui est structurellement identique tout en donnant plus : ce qui était prescrit dans la partition est actualisé dans la mélodie intérieure.

Oreille absolue : c’est l’aptitude que possèdent certains musiciens à reconnaître et déterminer le nom d’une ou plusieurs notes successives ou simultanées sans référence préalable, associée à cette capacité de discrimination fine des fréquences .

Répétition : travail herméneutique de l’instrumentiste qui consiste à travailler la partie au regard de l’ensemble, le tout au regard de la partie en répétant les cellules jusqu’à leur exécution correcte et à l’instauration d’un habitus.

Saisie conversionelle : transformation du donné visuel de la partition en donné auditif lors du déchiffrage* grâce à la capacité de lecture du texte obtenue par l’apprentissage du solfège.

Travail à la table : méthode qui consiste à étudier une partition indépendamment de l’instrument en mettant en place le rythme, la hauteur de note, les nuances, les phrasés etc.

Voix intérieure : à comprendre parallèlement à la voix naturelle bien qu’elle en soit dépendante, elle serait probablement unique pour chaque individu, colorée de manière particulière selon ce qu’il est, l’instrument donc il joue etc. et monodique puisqu’elle rend probablement compte de la ligne mélodique principale, d’un fil rouge plutôt que d’une harmonie complexe.

Bibliographie :

  • CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

  • CASALS, Pablo, Ma vie racontée à Albert.E. Kahn, Paris, Stock, 1970.

  • CORREDOR, Juan-Maria, Conversations avec Pablo Casals, Paris, Albin Michel, 1955.

  • EHRENZWEIG, Anton, Lordre caché de lart, Essai sur la psychologie de limagination artistique, Trad. F. Lacoud-Labarthe et C. Nancy, préface de J-F. Lyotard, Paris, Gallimard, 1967, 1974, (Tell).

  • GAGNEPAIN, Xavier, Du musicien en général…au violoncelliste en particulier, Paris, Cité de la musique, 2003.

  • HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige).

  • HOPPENOT, Dominique, Le violon intérieur, Paris, Editions Van de Velde, 1981.

 

Entretiens avec les musiciens :

  • Entretien avec Frédéric Borsarello (violoncelliste) du 17 novembre 2011 à Paris.

  • Entretien avec Xavier Gagnepain (violoncelliste) du 4 décembre 2011 à Paris.

  • Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris.

  • Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris.

  • Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo.

  • Entretien avec Madoka Sato (flûtiste) le 08 juillet 2012 à Tokyo.

1 Les entretiens de X. Gagnepain (violoncelliste), F. Borsarello (violoncelliste), C. Bernard (violoniste), A.-M. Morin (violoniste), M. Sato (flûtiste japonaise), M. France (violonise, fondatrice de l’école de musique Franco-Japonaise de Tokyo) sont disponibles sur le site suivant : http://fenetrephenomenologique.e-monsite.com/

2 Cf GAGNEPAIN, Xavier, Du musicien en général…au violoncelliste en particulier, Paris, Cité de la musique, 2003, p.10.

3 HOPPENOT, Dominique, Le violon intérieur, Paris, Editions Van de Velde, 1981.

4 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris.

5 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo.

6 CORREDOR, Juan-Maria, Conversations avec Pablo Casals, Paris, Albin Michel, 1955.

7 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris

8 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

9 Comme nous ne sommes qu’au début de nos recherches et afin de rester au plus près du phénomène tel que nous en faisons l’expérience en tant que violoncelliste nous avons choisi de ne pas traiter le cas des autres instruments, ou bien des musiques free-jazz, minimalistes, bruitistes, spectrales etc. et de demeurer dans l’analyse du cas de l’interprétation d’une partition classique. Bien que nous n’en fassions pas mention ici spécifiquement, nous nous sommes arrêtés sur l’analyse de différentes interprétations et éditions des Suites pour violoncelle seul de Bach. L’analyse comparative commencée lors de notre premier master en 200-2010 est en cours mais nous ne l’utiliserons pas ici. .

10 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

11 L’étape explicative de l’herméneutique correspond pour nous à l’étape de l’exécution elle-même où l’on explique en redisant, on déploie en transmettant.

12 Dans son ouvrage, le thérapeute Alain Carré introduit la notion de « sensation sonore » in CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

13 Cf., CARRE, Alain, Musique et surdité, le paradoxe du musicien sourd, Paris, Fuzeau, 2008.

14 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p.15.

15 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p18.

16 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

17 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris

18 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p37

19 Entretien avec Claire Bernard (violoniste) du 27 février 2012 à Paris.

20 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p.45.

21 Le cas du chant pourrait être intéressant pour étudier cette question mais ce serait un autre travail.

22 Ne dit-on pas : « il chante comme son violoncelle », « lorsqu’il chante on dirait un saxophone » ?

23 Entretien avec Marguerite France (violoniste) le 03 juin 2012 à Tokyo

24 Ce sujet que nous ne faisons qu’évoquer mériterait un développement plus long que nous ne ferons pas ici.

25 Intervention de la semaine dernière.

26 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

27 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

28 Cf article : Esquisse d’une définition du chant intérieur II

29 Entretien avec Anne-Marie Morin (violoniste) du 03 mars 2012 à Paris

30 HENRY. Michel, Voir lInvisible, Sur Kandinsky, Paris, PUF, 1988, (Quadrige), p. 47-48.

31 On pourrait se pencher sur tous les cas de tensions physiques, de non-écoute etc. que racontent les professeurs avec qui nous avons eu les entretiens.